Contexte de création

Une croissance démographique fulgurante à hauts risques mais fenêtre d’opportunités

L’Afrique est le 2e continent le plus peuplé derrière l’Asie. Elle est également le 2e continent le plus vaste (à nouveau derrière l’Asie), si on considère l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud comme 2 continents. La population mondiale ayant franchi le cap des 8 milliards d’individus en 2022, l’ONU estime que plus de la moitié de son augmentation d’ici à 2050 proviendra d’Afrique subsaharienne : la population mondiale atteindra alors les 9,7 milliards de personnes avec un doublement de la population d’Afrique subsaharienne sur la période.

https://www.un.org/fr/global-issues/population

La relation entre la croissance démographique et le développement durable est complexe et multidimensionnelle.

Liu Zhenmin, Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux affaires économiques et sociales.
Estimation de la population mondiale entre 1950 et 2022 et projections pour 2022-2050
Estimation de la population mondiale entre 1950 et 2022 et projections pour 2022-2050. Source : ONU, World Population Prospects 2022 : Summary of Results, 2022 page 4

Dans la plupart des pays d’Afrique, la proportion de la population en âge de travailler (entre 25 et 64 ans) a augmenté grâce aux récentes baisses de la fécondité. Ce changement dans la répartition par âge offre une opportunité limitée dans le temps d’accélérer la croissance économique par habitant. Pour maximiser les avantages potentiels d’une telle configuration démographique, les pays doivent investir dans le développement de leur capital humain en garantissant l’accès aux soins de santé et à une éducation de qualité à tous les âges, et en favorisant les possibilités d’emploi productif et de travail décent. Il est de ce fait impératif pour les sociétés africaines de muer vers des modèles plus respectueux de la planète, offrant des opportunités à chacun de ses citoyens, et soutenus par des institutions fortes.

Une croissance démographique rapide rend plus difficile l’éradication de la pauvreté, la lutte contre la faim et la malnutrition, et l’augmentation de la couverture des systèmes de santé et d’éducation. À l’inverse, la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), en particulier ceux qui concernent la santé, l’éducation et l’égalité des sexes, contribuera à réduire les niveaux de fécondité et à ralentir la croissance démographique mondiale.

Liu Zhenmin, Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux affaires économiques et sociales.

Plusieurs limites planétaires déjà dépassées

Les limites planétaires sont un concept proposé par des chercheurs du Stockholm Resilience Center (Suède) afin de déterminer les seuils au-delà desquels les capacités de résilience de certains sous-systèmes du système Terre pourraient être remises en question. Elles fixent un cadre en dehors duquel l’activité humaine menacerait de manière irréversible les conditions d’habitabilité de la planète. Les limites planétaires peuvent alors être définies comme « un espace de fonctionnement sûr pour l’humanité, basé sur les processus biophysiques intrinsèques qui régulent la stabilité du système terrestre ». Si c’est l’expression de « limite » planétaire

qui est communément utilisée, certains préfèrent parler de « frontière » planétaire. L’idée ici n’est pas de déterminer un seuil au-delà duquel un système basculerait, mais plutôt de mettre en évidence les risques de s’approcher de ce point de non-retour (https://lejournal.cnrs.fr/articles/existe-t-il-un-point-de-non-retour-dans-les-ecosystemes). La limite est une zone d’augmentation forte des risques qui tient compte de l’incertitude, du principe de précaution, mais aussi de l’inertie du système.

Les 9 limites planétaires ainsi identifiées sont :

Le changement climatique

Fixant une limite aux émissions de CO2. Le seuil critique est la concentration en CO2 atmosphérique à ne pas dépasser : 350 ppm (parties par million), contre plus de 413 ppm aujourd’hui.

L’érosion de la biodiversité

Fixant une limite de disparition d’espèces. Le seuil critique, déterminé par le taux annuel d’extinction des espèces à ne pas dépasser, est de 10 extinctions d’espèces par an et par million d’espèces contre plus de 100 aujourd’hui.

L’acidification des océans

Fixant une limite de CO2 absorbé par les océans (qui dépend des émissions de CO2 dans l’air). Le seuil critique, évalué via le niveau de saturation en aragonite en dessous duquel il ne faudrait pas descendre, est de 80 % par rapport à l’ère pré-industrielle contre environ 84 % aujourd’hui.

La perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore

Fixant des limites d’usage des engrais. Les seuils critiques, déterminés par la quantité de composés rejetés dans la nature, sont de 80 millions de tonnes par an pour l’azote contre plus de 150 aujourd’hui, et de 11 millions de tonnes par an pour le phosphore contre plus de 22 aujourd’hui.

Les changements d’utilisation des sols

Fixant une limite aux déforestations. Le seuil critique, déterminé par le pourcentage de surface forestière conservée par rapport à la couverture forestière originelle (avant 1700) en dessous duquel il ne faudrait pas descendre, est de 75 % contre environ 62 % aujourd’hui

La charge atmosphérique en aérosols

Dont l’analyse n’a pas encore permis de fixer une valeur limite. À cause de la complexité des aérosols et de la variabilité spatio-temporelle des particules, aucune étude ne permet d’évaluer de façon certaine la charge atmosphérique d’aérosols.

L’appauvrissement de la couche d’ozone stratosphérique

Fixant une limite d’émissions de gaz fluorés de type CFC. Le seuil critique, déterminé par le niveau de concentration d’ozone dans l’atmosphère (mesuré en unités Dobson ~ UD) en dessous duquel il ne faudrait pas descendre, est de 275 DU – soit 95 % du niveau préindustriel – contre environ 285 aujourd’hui

La pollution chimique (ou “nouvelles entités” créées ou introduites par l’Homme dans la biosphère).

Dont l’analyse n’a pas encore permis de fixer une valeur limite. Il s’agit des plastiques, pesticides, peintures, antibiotiques, médicaments, métaux lourds, composés radioactifs, perturbateurs endocriniens, etc. La production des produits chimiques a été multipliée par plus de 50 depuis le début des années 1950 et pourrait tripler d’ici à 2050. Le seuil critique lié à cette limite serait déjà dépassé ( pubs.acs.org).

La perturbation du cycle de l’eau douce

Fixant une limite aux prélèvements d’eaux de surface et souterraines. Le seuil critique, déterminé par le volume maximal d’eau douce prélevée dans les eaux de surface et les eaux souterraines à ne pas dépasser, est de 4000 km3 par an contre 2600 aujourd’hui. Ce seuil, dépendant localement des capacités des milieux à répondre à ces pressions, serait déjà dépassé à plusieurs endroits du globe selon de nombreux chercheurs ( nature.com).

L’appauvrissement de la couche d’ozone stratosphérique

Fixant une limite d’émissions de gaz fluorés de type CFC. Le seuil critique, déterminé par le niveau de concentration d’ozone dans l’atmosphère (mesuré en unités Dobson ~ UD) en dessous duquel il ne faudrait pas descendre, est de 275 DU – soit 95 % du niveau préindustriel – contre environ 285 aujourd’hui

La pollution chimique (ou “nouvelles entités” créées ou introduites par l’Homme dans la biosphère)

Dont l’analyse n’a pas encore permis de fixer une valeur limite. Il s’agit des plastiques, pesticides, peintures, antibiotiques, médicaments, métaux lourds, composés radioactifs, perturbateurs endocriniens, etc. La production des produits chimiques a été multipliée par plus de 50 depuis le début des années 1950 et pourrait tripler d’ici à 2050. Le seuil critique lié à cette limite serait déjà dépassé ( pubs.acs.org )

La perturbation du cycle de l’eau douce

Fixant une limite aux prélèvements d’eaux de surface et souterraines. Le seuil critique, déterminé par le volume maximal d’eau douce prélevée dans les eaux de surface et les eaux souterraines à ne pas dépasser, est de 4000 km3 par an contre 2600 aujourd’hui. Ce seuil, dépendant localement des capacités des milieux à répondre à ces pressions, serait déjà dépassé à plusieurs endroits du globe selon de nombreux chercheurs ( nature.com )

Jusqu’en 2021, 4 limites planétaires avaient été franchies. En 2022, 2 nouvelles se sont ajoutées à la liste qui compte désormais 6 limites planétaires atteintes. Les seules qui n’ont pas encore été dépassées sont : l’acidification des océans, l’appauvrissement de la couche d’ozone stratosphérique et la charge atmosphérique en aérosols (pour laquelle la quantification reste complexe).

Pour finir, il est indispensable de souligner l’aspect systémique du sujet des limites planétaires. En effet, plusieurs processus de régulation interagissent et la perturbation des uns affecte la résilience et/ou la régulation des autres. Par exemple, le changement d’usage des sols a des conséquences directes sur la concentration en CO2. Cela impacte, d’une part, l’acidification des océans, et d’autre part le changement climatique qui lui-même affecte le cycle de l’eau, la biodiversité, et ainsi de suite. L’infographie ci-dessous permet de visualiser ces interactions.

Les limites planétaires et leur dépassement, Stockholm Resilience Centre, 2022. Le cercle en pointillés représente l'estimation des limites de durabilité et les zones colorées l'estimation de leur état en 2022, la couleur orange représentant un dépassement.

stockholmresilience.org
Les limites planétaires et leur dépassement, Stockholm Resilience Centre, 2022. Le cercle en pointillés représente l’estimation des limites de durabilité et les zones colorées l’estimation de leur état en 2022, la couleur orange représentant un dépassement. stockholmresilience.org/research/planetary-boundaries.html
Tour d’horizon des limites planétaires, Ex naturae, octobre 2020

exnaturae.ong
Tour d’horizon des limites planétaires, Ex naturae, octobre 2020 exnaturae.ong

Principaux enjeux pour l’Afrique

L’Afrique a contribué à près de 7 % du total historique des émissions mondiales nettes de dioxyde de carbone (CO2) entre 1850 et 2019 (fig). Sur la seule année 2019, le continent représente près de 9 % des émissions mondiales nettes de gaz à effet de serre (contre 7 % en 1990). Ce n’est pas grand chose en comparaison avec d’autres régions, mais c’est déjà 9 % de trop dans un monde qui se veut neutre en carbone dès 2050.

Émissions historiques nettes de CO2 par région, cumulées entre 1850 et 2019

Source : GIEC (AR6, GT3, 2022)
Émissions historiques nettes de CO2 par région, cumulées entre 1850 et 2019 Source : GIEC (AR6, GT3, 2022)
Émissions anthropiques nettes de gaz à effet de serre par région entre 1990 et 2019

Source : GIEC (AR6, GT3, 2022)
Émissions anthropiques nettes de gaz à effet de serre par région entre 1990 et 2019 Source : GIEC (AR6, GT3, 2022)

Dans le détail, l’essentiel de la contribution du continent aux émissions historiques de CO2 est dû au changement d’affectation des sols, soit 75 % du total. Le principal challenge pour les régions africaines dotées de puits de carbone (forêts, tourbières, savanes) est d’assurer une gestion durable de ces écosystèmes afin d’augmenter le stockage de carbone et ainsi contribuer à l’objectif de neutralité du continent tout en préservant les écosystèmes et la biodiversité.

Pour beaucoup de pays africains, il est également indispensable de limiter progressivement l’usage des combustibles fossiles et de développer massivement les énergies renouvelables compte-tenu de l’impressionnant potentiel solaire, éolien et hydraulique du continent.

De même, la gestion des déchets est un sujet toujours plus préoccupant pour toutes les métropoles du continent. Très souvent classé parmi les principaux postes d’émissions de gaz à effet de serre dans les pays africains, ce secteur est la source d’importantes pressions environnementales notamment pour les écosystèmes marins, de plus en plus exposés à la pollution plastique.

L’indispensable transition juste et soutenable

Les enjeux environnementaux présentés précédemment ne doivent pas occulter tous les enjeux sociétaux, non moins importants dans l’optique d’une transition juste et soutenable que nous appelons de nos vœux.

Les émissions de gaz à effet de serre ne représentent qu’une partie des immenses enjeux systémiques qui doivent nous amener à changer nos modes de vie et de consommations. Ces changements impliquent une nouvelle approche de plusieurs concepts dont l’approche historique est désormais obsolète : l’économie, le bien-être, l’égalité, etc. Les critères d’arbitrage ne doivent plus être uniquement environnementaux (production d’énergie, gestion des déchets, usage de l’eau, etc.), mais aussi sociétaux (égalité salariale, bien-être des populations, création d’ emplois, scolarisation des jeunes, etc). Une transition réussie est une transition qui se fait dans le respect des limites planétaires sans faire de laissés-pour-compte.

Le tunnel de vision “Carbone”, source : Jan Konietzko

globalreportinginitiative.medium.com
Le tunnel de vision “Carbone”, source : Jan Konietzko globalreportinginitiative.medium.com